19 mars 2000

L'Avenir à Egalité

Depuis qu'il se prénomme Thomas, Abdelatif, 25 ans, DEUG d'allemand et BTS d'action commerciale, collectionne les entretiens d'embauche. Voici enfin des propositions de rendez-vous après plus de deux années de chômage et 193 lettres de candidature sans réponse. Il lui a suffi de changer de prénom pour que subitement il lui soit proposé des entretiens. A Toulouse, Nedjma, 25 ans, titulaire d'une maîtrise en droit et d'un D.E.A. de management, est toujours au chômage 2 ans après la fin de ses études. La plupart de ses camarades de promotion ont, eux, trouvé un emploi. " Jamais, je ne changerai de nom. Cela signifierait que nous sommes dans un pays de non-droit qui intègre les gens en fonction de leurs compétences, mais en fonction de leur faciès ! " Les pratiques d'exclusion dans le monde du travail ne sont pas une découverte. Aux discriminations à l'embauche viennent s'ajouter d'autres formes de discriminations plus sournoises, à savoir : disparités de salaires, barrages aux promotions professionnelles et non accès à la formation. En clair, pas de vendeuse arabe, de commercial noir ou de chef d'équipe turc. Les arguments avancés par les employeurs : la rationalité économique. Le chargé de recrutement anticipe sur le racisme supposé de sa clientèle ou de ses partenaires commerciaux. Il pense ainsi éviter tout risque d'une baisse des ventes à la suite de l'embauche d'une personne typée. Deux siècles et quelques années d'horreur économique après la révolution de 1789, qui peut encore souscrire sans rire jaune à Liberté, Egalité, Fraternité ?